Kinshasa, le 14 juillet 2023 – Un tweet du ministère des Hydrocarbures de la République Démocratique du Congo (RDC) posté le 5 juillet dernier fait état de la réception par le ministre Didier Budimbu de quatre véhicules 4×4 Toyota, “don” de la compagnie pétrolière franco-britannique Perenco “au profit” de la brigade “Hydro Task Force” du ministère.  Hasard de calendrier, Perenco est soumissionnaire, actuellement, pour deux blocs pétroliers proposés dans le cadre de l’appel d’offres lancé par la RDC il y a un an.  Le dépouillement de ses manifestations d’intérêt pour les blocs Nganzi et Yema II, au Kongo Central, a eu lieu, respectivement, les 24 avril et 2 mai derniers.

Ce cadeau offert au ministère – préparé depuis longue date, selon la société (voir ci-dessous) – tombe donc au bon moment : on suppose que la sous-commission ministérielle chargée d’examiner les offres pour les blocs en question est aujourd’hui en plein examen de celles de Perenco. 

Cette affaire relance les nombreux doutes sur l’appel d’offres pétrolier, à part Perenco, celui-ci n’a pas l’air d’attirer grand monde.  Le lendemain même du tweet louant la charité de Perenco, le ministère a annoncé, sans un mot d’explication, le report de la date limite du dépôt des manifestations d’intérêt pour les neuf blocs de la Cuvette centrale.

“Les autorités publiques sont incapables d’éclairer la ville de Muanda alors que depuis des décennies Perenco exploite du pétrole tout autour.  Son argent devait servir à s’occuper des malades qui souffrent de sa pollution, à l’amélioration de l’accès à une eau potable pour les communautés affectées par le rejet des bruts et du torchage du gaz qui continue malgré son interdiction en 2015”, déclare Patient Muamba, chargé de campagne forêt chez Greenpeace Afrique.

Perenco est actuellement poursuivie en France par les Amis de la Terre France et Sherpa pour réparer les dommages causés à l’environnement. Elle fait également l’objet d’une enquête du parquet national financier français pour “corruption d’agents publics étrangers” en Afrique. La multinationale a un passé sombre au Gabon, au Pérou, au Guatemala et ailleurs, et est récemment responsable d’une fuite sur un oléoduc au Royaume-Uni.

“En attendant une explication du ministre, nous demandons au président de l’Assemblée nationale et aux députés nationaux de jouer pleinement leur rôle de contrôle de l’exécutif.  Ils doivent inviter le ministre Budimbu à expliquer son comportement.  Le Procureur Général de la République doit ouvrir une enquête sur ces tendances néo-coloniales qui continuent à pousser nos autorités à faire passer certains intérêts bien avant ceux de leur peuple et de leurs communautés, afin de découvrir toute la vérité sur cette affaire”, conclut Patient Muamba.

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Contactée, Perenco nous a fait parvenir les remarques suivantes :

“En janvier 2022, Perenco a reçu une lettre du ministère des Hydrocarbures lui demandant de participer, avec d’autres acteurs du secteur des hydrocarbures, à la lutte de la brigade nationale contre la contrebande de produits pétroliers.   Malheureusement, de nombreux accidents, souvent mortels, se produisent à Kinshasa et dans tout le Kongo Central à la suite d’incendies provoqués par ce trafic. Perenco a soutenu cet effort en faisant don de quatre véhicules au début de l’année 2022 (avant que les appels d’offres ultérieurs ne soient lancés).  Les véhicules sont arrivés en RDC à la fin de l’année 2022 et, après avoir été dédouanés, ont été remis au ministère la semaine dernière.  La remise s’est déroulée en toute transparence et en présence des médias.  L’objectif du soutien de Perenco est d’aider à développer les capacités de l’Etat et de sauver des vies.  Nous avons connaissance de deux accidents mortels en 2022, dont l’un a touché le village de Kimuabi, complètement dévasté par un incendie causé par du carburant de contrebande, entraînant la mort tragique de deux jeunes filles.”

FIN
Raphaël Mavambu
Médias et Communication , Greenpeace Afrique
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