Dakar, Sénégal, 7 octobre 2021 – Des militants du Rainbow Warrior, navire de Greenpeace, ont intercepté dans la Manche un navire-citerne transportant de l’huile de poisson provenant d’Afrique de l’Ouest, alors que des investigations de Greenpeace Afrique révèlent de nouvelles données commerciales montrant que l’industrie de la farine et de l’huile de poisson s’est développée à un rythme alarmant dans la région pendant la pandémie de COVID-19. 

“Il s’agit de grandes entreprises qui dépouillent nos océans et privent nos communautés de pêcheurs et de femmes transformatrices de poissons de leurs moyens de subsistance. Les avis scientifiques sont clairs, il sera bientôt trop tard. Ces entreprises doivent arrêter maintenant”, a déclaré le Dr Aliou Ba, responsable de la campagne  Océans pour Greenpeace Afrique. Greenpeace demande aux importateurs et aux gouvernements de la région d’agir pour mettre fin à ce commerce nuisible.

Chaque année, plus d’un demi-million de tonnes de poissons sont pêchés dans les eaux d’Afrique de l’Ouest pour être transformés en farine et en huile de poisson afin de nourrir les poissons d’élevage, le bétail et les animaux domestiques en Asie et en Europe, selon un précédent rapport de Greenpeace Afrique et Changing Markets. Cette quantité de poisson suffirait à nourrir 33 millions de personnes dans une région sujette à une importante insécurité alimentaire, et où les prix du poisson ont grimpé en flèche dans de nombreuses localités, alors que les populations de poissons sont en chute libre, selon le même rapport.[1] Les chiffres publiés par Greenpeace Afrique indiquent que pour la seule Mauritanie, les exportations de farine de poisson ont augmenté de 16% en 2020, et que les exportations d’huile de poisson vers l’Union européenne ont quant à elles  augmenté de 6% la même année.[2]

Aujourd’hui, le navire de Greenpeace Rainbow Warrior a intercepté le navire-citerne Key Sund dans la Manche, au large de la Normandie. Les militants tenaient une banderole sur laquelle on pouvait lire : “Cargill, Mowi, Skretting, BioMar : Cette huile de poisson a-t-elle été volée pour vous ? “, tandis qu’un système audio diffusait des enregistrements de pêcheurs et de femmes transformatrices de poissons d’Afrique de l’Ouest qui n’avaient pu se joindre à l’action en raison de la pandémie. Ils promettent de poursuivre leur lutte contre les importateurs de farine et d’huile de poisson, qu’ils accusent de voler les ressources de leur communauté, de menacer leurs emplois et leur accès à une source essentielle de nourriture. Le lundi 4 octobre, des femmes ont organisé une manifestation sur le site de transformation artisanale de poisson de Mballing à Mbour, au Sénégal, pour coïncider avec l’interception du Key Sund par Greenpeace.[3]

“Le poisson qu’ils ont utilisé pour produire cette huile devrait être acheté et vendu sur les marchés locaux”, a déclaré Fatou Samba, présidente de l’association des femmes transformatrices de poisson, de Bargny, au Sénégal. “Il pourrait créer des emplois et nourrir les gens dans ma communauté, ou n’importe où en Afrique de l’Ouest. Mais au lieu de cela, il sera utilisé pour nourrir les poissons d’élevage et les animaux en Europe. Il faut que cela cesse, avant que cette source vitale de nourriture et d’emplois ne soit détruite.”

Soixante-dix pour cent de l’huile de poisson est utilisée pour l’aquaculture, et le secteur européen de cette filière est dominé par quatre grandes entreprises d’alimentation aquacole : BioMar au Danemark, EWOS/Cargill, Mowi et Skretting en Norvège. Selon Greenpeace Afrique, ces sociétés se sont approvisionnées en farine et en huile de poisson de Mauritanie ces dernières années pour produire des aliments destinés aux saumons d’élevage.[1]

Les scientifiques de l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture ont souligné “l’urgence de prendre des mesures fortes” pour réduire la quantité de poissons pêchés dans la région,[4] où l’industrie de la farine et de l’huile de poisson menace la sécurité alimentaire et les moyens de subsistance de millions de personnes.

Greenpeace demande aux importateurs de farine et d’huile de poisson, dont EWOS/Cargill, Mowi, Skretting et BioMar, de cesser de s’approvisionner en Afrique de l’Ouest. En outre, les représentants des communautés locales demandent aux gouvernements de la région d’interdire l’utilisation de poissons propres à la consommation humaine pour la production d’alimentation animale, et de mettre en place une gestion régionale efficace des ressources en petits poissons pélagiques. Greenpeace fait également campagne en faveur d’un traité mondial sur les océans qui permettrait la création de vastes sanctuaires exempts de toute activité humaine nuisible, sur plus d’un tiers des océans de la planète d’ici 2030.

FIN

Les photos et vidéos peuvent être téléchargés depuis la médiathèque de Greenpeace ici

Les clips audio projetés lors de l’interception, ainsi que les déclarations des activistes et des militants à l’usage des radiodiffuseurs, peuvent être téléchargés à partir de la médiathèque de Greenpeace ici.

Contact : 

Richard Power Sayeed, coordinateur des communications, Greenpeace Afrique (pour les demandes de médias internationaux) : [email protected] +44 79 3693 6684 

Bureau de presse de Greenpeace Afrique : [email protected] 

Notes :

[1] Nourrir le monstre : Comment les industries européennes de l’aquaculture et de l’alimentation animale détournent la nourriture des communautés d’Afrique de l’Ouest, rapport de Greenpeace Afrique et Changing Markets, juin 2021 :  https://cdn.greenpeace.fr/site/uploads/2021/06/Nourrir-le-Monstre-FR-low-res.pdf

[2] Greenpeace Afrique s’est basé sur Trade Map (www.trademap.org) pour obtenir des données sur les exportations de la Mauritanie, du Sénégal et de la Gambie sous les codes 230120 (pour la farine de poisson) et 150410 et 150420 (pour l’huile de poisson) du Système Harmonisé (SH) : 

  • L’année 2020 a été une année record pour les exportations de farine de poisson de la Mauritanie, avec 128 670 tonnes – soit une augmentation annuelle de 16 % – malgré le fait que de nombreux petits pêcheurs de la région n’aient pas pu travailler à certains moments en raison de la pandémie et des restrictions qui en découlent.
  • Les exportations d’huile de poisson de la Mauritanie vers l’UE en 2020 ont augmenté de 6% par rapport à 2019, à 28 078 t, ce qui représente désormais 76% des exportations d’huile de poisson de la Mauritanie.

[3] Selon les estimations de Greenpeace Afrique, le Key Sund, un navire de 96 mètres battant pavillon norvégien, peut transporter jusqu’à 4 500 tonnes d’huile, soit le produit de la transformation de 90 000 tonnes de poisson (avec un rendement en huile de 1:20). Il est parti le 27 septembre de Nouadhibou, en Mauritanie, et devrait livrer une partie de sa cargaison à la société française d’huile de poisson Olvea, à Fécamp, en France, avant de poursuivre sa route vers l’Europe du Nord : https://www.marinetraffic.com
[4] Les principales espèces en jeu dans la production de farine et d’huile de poisson, à savoir la sardinelle plate et ronde et le bonga, sont essentielles à la sécurité alimentaire de millions de personnes en Afrique de l’Ouest. Ces populations de petits poissons pélagiques sont surexploitées depuis des années, et les scientifiques chargés de leur évaluation recommandent de réduire l’effort de pêche de 50% : http://www.fao.org/3/cb0490en/CB0490EN.pdf

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