Kinshasa, le 8 Avril 2024 – Au moment où la RDC bruisse des rumeurs les plus folles sur le sort éventuel de la ministre de l’Environnement Eve Bazaiba dans un nouveau gouvernement, Greenpeace Afrique l’invite à s’expliquer sur son attribution, l’année dernière, de centaines de milliers d’hectares de concessions dites de “conservation” au-delà de la limite de superficie fixée par la loi.

Le 4 mars 2023 elle a attribué quatre concessions, dont au moins une dans sa circonscription électorale, à des filiales de Wildlife Works Carbon (WWC), puissante – et très controversée – société américaine de la scène carbone. 

La superficie de trois de ces concessions totalise 771 125 ha.  Celle de la quatrième est inconnue : le Journal Officiel indique qu’elle est de 282 295 ha, mais la situe de façon manifestement erronée.  

Le code forestier prévoit qu’“il ne peut être concédé à une même personne [physique ou morale], en un seul ou plusieurs tenants, des forêts d’une superficie totale supérieure à 500.000 hectares.” Les contrats de concession portant sur une superficie supérieure à 300 000 ha sont approuvés par ordonnance présidentielle, celles au-delà de 400 000 ha par une loi votée par l’Assemblée nationale. 

« La ministre n’a pas répondu à notre demande de clarification. La concession n°001/23, à Basoko (Tshopo), a été attribuée à la Société de restauration forestière et d’aménagement (SORFA). Selon ses statuts, WWC possède 70% de la firme, le Prof. Jean-Robert Bwangoy, directeur des opérations WWC au Congo,10%, et la cousine de celui-ci, une certaine Meize Mompongo, 20% » declare Greenpeace Afrique.

Contacté, le Prof. Bwangoy dit avoir demandé à Mme Mompongo “de représenter les communautés” riveraines des concessions SORFA.  Il n’a pas précisé comment elle pourrait le faire, en toute indépendance, quand elle est membre de la famille du directeur de la société. 

« Mais de quelles concessions s’agit-il ?  Lors des élections législatives de décembre dernier, Mme Mompongo a été première suppléante d’un candidat non pas dans la Tshopo mais à Bikoro (Equateur). Quant à l’oncle du Prof. Bwangoy, ce dernier assure que “les deux concessions SORFA” sont “exactement localisées dans sa communauté” », poursuit Greenpeace Afrique.

Force est de constater que la SORFA inspire une grande confiance au ministère.  La société a effectué sa demande d’immatriculation au registre de commerce le 16 mars 2023 : Mme Bazaiba avait signé ses contrats de concession presque deux semaines plus tôt. 

Les deux autres filiales du groupe WWC bénéficiaires des concessions le 4 mars 2023 sont Ecosystem Restoration Associates Congo (ERA Congo) (188 835 ha, territoire de Basankusu (Equateur)) et WWC Congo (299 995 ha, territoire de Businga (Nord Ubangi)).

Chacun des quatre contrats WWC est agrémenté du même petit bonus : “Le concessionnaire n’est pas concerné par l’exécution des dispositions de l’article 82 du code forestier relatives à la garantie bancaire ou cautionnement.”  

« Il se peut que d’autres concessions aient été attribuées à WWC.  En violation de l’accord que la RDC a signé en 2021 avec l’Initiative pour la forêt d’Afrique centrale (CAFI) à la COP26 à Glasgow – un deal à hauteur de 500 millions de dollars – le ministère de l’Environnement n’a toujours pas publié “tous les contrats de concessions […] de conservation […] sur un site internet disponible publiquement”.  La RDC s’était engagée à le faire “d’ici fin 2022” », rappelle Greenpeace Afrique. 

Dans une interview le 5 mars dernier, la ministre raconte un incident où elle s’est vue obligée de refuser de signer un contrat de concession de conservation avec une société étrangère au motif que la superficie sollicitée dépassait la limite légale.  

« Selon la ministre, la firme cherchait à s’accaparer de “500 millions d’hectares”. Une déclaration surprenante quand on sait que la superficie totale de la RDC n’est que de 234 millions d’hectares », conclut Greenpeace Afrique. 

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Raphaël Mavambu, Media et Communication, Greenpeace Afrique, [email protected]